Alain Guyard nous présente les bad boys de la philosophie

Alain Guyard nous présente les bad boys de la philosophie

Un livre qui cogne fort, bouscule les certitudes et remet la pensée en mouvement. Alain Guyard fait sortir la philosophie des salons feutrés pour la balancer en pleine rue, là où elle dérange et réveille. Entre cynisme antique et révolte contemporaine, il ressuscite des figures oubliées, celles qui ont fait de la désobéissance un art de vivre. Une lecture électrique, insolente et salutaire. À mettre entre toutes les mains, surtout celles des insoumis.

Alain Guyard n’est pas un philosophe de salon. C’est un philosophe de terrain, un bateleur qui déserte les amphis feutrés pour aller porter la pensée là où elle cogne : prisons, hôpitaux psychiatriques, zones rurales oubliées. Dans “Philosophie par et pour mauvais garçons“, il nous livre un texte féroce, insolent, jubilatoire, où la philosophie s’arrache aux carcans académiques pour retrouver sa vigueur subversive.

Ici, la philosophie n’est pas un objet de contemplation, c’est une arme. Guyard exhume les cyniques, les libertins, les francs-tireurs de la pensée et les met entre les mains des réfractaires, des révoltés, de ceux qui ne rentrent pas dans les cases. Socrate y redevient ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : un empêcheur de tourner en rond, un punk de l’intellect.

Mais surtout, il remet en lumière des figures oubliées ou marginalisées, des penseurs et des insoumis que l’histoire officielle a relégués dans l’ombre. Albert Cossery, par exemple, cet écrivain égyptien francophone qui prônait une paresse radicale, une résistance passive contre la bêtise et le pouvoir. Loin des injonctions modernes à la productivité, Cossery incarnait une révolte douce mais implacable, celle du refus de participer à la comédie sociale.

Seconds couteaux

Il y a aussi Alexandre Jacob, anarchiste et cambrioleur dandy qui aurait inspiré Arsène Lupin. Jacob ne volait pas par appât du gain, mais par conviction, pour redistribuer et défier l’ordre établi. Condamné au bagne à perpétuité, il n’a jamais renié son combat contre l’injustice et l’hypocrisie bourgeoise.

Et puis Serge Livrozet, ancien braqueur devenu écrivain et militant, qui a fait de son passé carcéral une arme contre le système pénitentiaire. Son combat pour la réinsertion et contre la criminalisation des pauvres rejoint la démarche de Guyard : remettre en cause les structures d’oppression plutôt que d’en subir passivement les coups.

Le style est vif, brut, souvent gouailleur. On sent que l’auteur veut secouer le lecteur, l’empêcher de sombrer dans la torpeur du prêt-à-penser. Il tape du poing sur la table, prend des détours inattendus, cite Diogène et Deleuze comme on cite des complices de cavale. Il ne cherche pas à édifier, mais à donner envie de penser autrement, avec les tripes autant qu’avec la tête.

★★★★☆

Alain Guyard “33 leçons de philosophie par et pour les mauvais garçons” Le Dilettante, Paris, 2013, 288 pages.

Continuez à explorer :

Jean-Marc Grosdemouge