Brad Mehldau “Après Fauré”

Brad Mehldau “Après Fauré”
Quand le jazz et le classique ne font plus qu’un : avec “Après Fauré“, l’Américain Brad Mehldau poursuit son exploration des frontières musicales et prouve, une fois encore, que son piano est un pont entre les époques et les styles.

Dès son arrivée sur la scène jazz, Brad Mehldau a imposé une sensibilité hors normes. Très vite, le bruit a couru qu’il avait étudié la musique classique et beaucoup de références européennes. Et cela s’entendait parfois : “Elegiac Cycle” (1999) témoignait déjà d’un pianisme nourri par Schumann et Brahms.

Mais ces dernières années, Mehldau a franchi un cap. Après avoir composé une symphonie créée à la Philharmonie de Paris en 2018, il s’est attaqué à Bach (“After Bach“) et aujourd’hui à Fauré, avec “Après Fauré“. Un album où il dialogue avec le compositeur français en insérant quatre de ses propres pièces (“Prélude“, “Caprice“, “Nocturne” et “Vision“) entre les “Nocturnes” et le “Quatuor pour piano n°2” de Fauré.

Son approche est à la fois respectueuse et personnelle. Mehldau ne cherche pas à faire du jazz avec Fauré, ni à transformer son piano en clavecin comme il l’avait fait pour “After Bach“. Ici, il laisse parler la mélodie et la subtilité harmonique, sans trahir l’esprit du compositeur. Son toucher feutré épouse parfaitement la douceur et la mélancolie des “Nocturnes“, tandis que ses propres compositions s’intègrent naturellement dans le flux de l’album.

Si Mehldau a souvent joué avec les structures harmoniques en jazz, il aborde Fauré avec une retenue qui témoigne d’une admiration sincère. Ses propres compositions, disséminées dans l’album comme des échos modernes, prolongent l’esthétique fauréenne tout en y insufflant cette mélancolie et cette ferveur méditative qui lui sont propres.

Après Fauré” n’est pas un album de jazz, ni un disque de piano classique : c’est une passerelle entre les deux, un espace où la rigueur et l’improvisation se confondent, où Mehldau, une fois encore, brouille les frontières pour mieux les réinventer.

★★★★☆

Brad Mehldau “Après Fauré” (Nonesuch, 204), disponible sur les plateformes d’écoute

Nocturne n°13 en si mineur, Op. 119 / Nocturne n°4 en mi bémol majeur, Op. 36 / Nocturne n°12 en mi mineur, Op. 107 / Prélude / Caprice / Nocturne / Vision / Nocturne n°7 en do dièse mineur, Op. 74 / Quatuor pour piano n°2 en sol mineur, Op. 45 : III. Adagio non troppo

Jean-Marc Grosdemouge