Jamiroquai “Emergency on Planet Earth”

Avant de se passionner pour les grosses bagnoles, Jay Kay a déboulé en 1993 avec un album au contenu engagé, politique et écologique. Une charge électro-funk aussi irrésistible que politique, où l’urgence du propos rivalise avec la luxuriance de la production. Trente ans plus tard, il refuse de prendre une ride. L’album, pas Jay.
Derrière Jamiroquai, un seul homme tire les ficelles : Jason Kay. Hyperactif, collectionneur compulsif de chapeaux, il traîne dans les clubs londoniens, obsédé par Stevie Wonder et Sly Stone. Il écrit “When You Gonna Learn?”, charge contre la destruction de l’environnement, décroche un contrat chez Sony et rassemble un collectif de musiciens surdoués, dont seuls Stuart Zender (basse) et Toby Smith (claviers) resteront après cet album.
Certes l’acid jazz existe déjà (merci Gilles Peterson et Patrick Forge), mais Jamiroquai en devient l’ambassadeur grand public. Ce premier album est un mélange explosif de funk 70’s, de jazz et de groove addictif. Cuivres éclatants, basses bondissantes, claviers soyeux : de “Too Young to Die” à “Music of the Mind”, l’album oscille entre contestation et évasion. “Revolution 1993” claque comme un manifeste, dénonçant un monde en déclin. “Hooked Up” balance une rythmique imparable et une basse qui suinte la liberté, tandis que “Blow Your Mind” prend des allures de voyage hallucinatoire au pays du groove pur. On sent dans chaque note l’ambition démesurée de Jay Kay, son obsession pour un son à la fois rétro et résolument moderne.
L’album est un cri d’alarme, mais il n’oublie jamais le plaisir du jeu. Chaque morceau respire la joie de musiciens au sommet de leur art, en roue libre dans un funk kaléidoscopique. Il y a aussi cette singularité instrumentale, portée par la présence hypnotique du didgeridoo, utilisé ici comme un lien entre les continents et les époques. Ce n’est pas un hasard si “Didgin’ Out”, dernier titre de l’album, offre une conclusion quasi mystique à cette fresque sonore.
À sa sortie, “Emergency on Planet Earth” cartonne. Numéro un en Angleterre, disque de platine, il impose Jay Kay comme leader d’un mouvement où groove et conscience sociale cohabitent. Trente ans plus tard, son message est toujours aussi pertinent. Les crises écologiques et la violence urbaine n’ont pas disparu. Mais la bande-son du message d’alerte reste intemporelle. Son album “The Return of the space cowboy” reste trés recommandable. Et aprés ? Oubliés les messages écolos, mais ses tubes commencent à passer en radio. Vous pouvez faire l’impasse, vous les entendre de toute façon de temps en temps au supermarché, rayon bio bien sûr.
★★★★★
Jamiroquai “Emergency on Planet Earth”, 1 CD (Sony Music), 1993
When You Gonna Learn? / Too Young to Die / Hooked Up / If I Like It, I Do It / Music of the Mind / Emergency on Planet Earth / Whatever It Is, I Just Can’t Stop / Blow Your Mind / Revolution 1993 / Didgin’ Out
A mettre en piorité dans votre playlist