Leftfield “Leftism”

Leftfield “Leftism”

Pilier de la scène électronique anglaise, aux côtés de “Dubnobasswithmyheadman” d’Underworld, d”Exit Planet Dust” des Chemical Brothers, et de Prodigy, ce disque sonne aujourd’hui encore comme une anomalie magnifique dans le paysage, un voyage sonore où chaque recoin réserve une surprise, une texture, une vibration. Avec “Leftism”, Leftfield a ouvert une brèche dans l’électro moderne. Un disque-pont, un disque-monde, une révolution en basse fréquence.

L’électro britannique des années 90 s’écrit en plusieurs chapitres, et “Leftism” de Leftfield en est un gros morceau. Sorti en 1995, ce disque est plus qu’un album : c’est un manifeste, une démonstration de force, une déclaration d’intention moins pop que “Post” de Björk sorti la même année, mais qui, comme lui, dépasse les carcans de la dance music pour s’aventurer sur des terrains plus vastes, plus riches, plus organiques.

À une époque où l’électronique se divise entre la house hédoniste et la techno industrielle, Neil Barnes et Paul Daley imposent leur propre vision. “Leftism” est une fresque sonore qui brasse les genres, les cultures et les textures avec une ambition folle. De la transe moite aux basses abyssales du dub, en passant par des expérimentations tribales et des envolées house euphorisantes, l’album n’est jamais là où on l’attend.

Dès “Release the Pressure”, Leftfield annonce la couleur : un groove hypnotique, une ligne de basse qui semble résonner dans un sous-sol brumeux, et la voix de Earl Sixteen qui apporte une profondeur reggae à l’ensemble. Puis vient “Afro-Left”, tourbillon percussif où le chant tribal de Djum Djum se mêle aux rythmiques convulsives. Le titre est une montée en puissance, une danse incantatoire qui embrase la techno et l’ethno-musicologie en un seul jet de lumière.

Mais “Leftism” n’est pas qu’un disque de transe électronique : “Original”, porté par la voix de Toni Halliday (Curve), s’aventure sur un territoire plus mélancolique, presque rock dans son approche. “Melt”, lui, ralentit le tempo et baigne dans une ambiance planante, où chaque note semble flotter dans l’air comme une onde de chaleur. Et que dire de “Inspection (Check One)”, où la voix de Danny Red s’impose sur une rythmique tectonique, un groove lent et implacable ?

L’album culmine avec “Open Up”, morceau mythique où John Lydon (Sex Pistols, PiL) crache son venin sur une production incendiaire. “Burn Hollywood, burn!” hurle-t-il, et la track explose dans un maelström de beats fracassants et de tension palpable. Ce titre à lui seul justifie l’aura culte qui entoure aujourd’hui “Leftism”, un disque qui n’a jamais cherché à flatter les attentes mais à redéfinir les frontières.

★★★★☆

Leftfield “Leftism”, 1 CD (Sony Music), 1995

Leftfield – Release the Pressure / Leftfield – Afro-Left / Leftfield – Melt / Leftfield – Song of Life / Leftfield – Original / Leftfield – Black Flute / Leftfield – Space Shanty / Leftfield – Inspection (Check One) / Leftfield – Storm 3000 / Leftfield – Half Past Dub / Leftfield – Open Up / Leftfield – 21st Century Poem

Tu mets ça illico dans ta playlist, et tu discutes pas :

  • “Open Up” : une bombe électro-punk, avec un John Lydon furieux.
  • “Afro-Left” : une montée hallucinée entre techno et percussions tribales.
  • “Release the Pressure” : de la dub-house en apesanteur.
  • “Original” : une balade électronique hantée par la voix de Toni Halliday.

Jean-Marc Grosdemouge