Que veut Poutine ?

Que veut Poutine ?

Depuis des années, Vladimir Poutine rêve de redessiner la carte du monde. Aujourd’hui, avec un Donald Trump prêt à briser tous les équilibres, il semble enfin tenir son moment. C’est ce que souligne M. Gessen dans le New York Times, en tirant un parallèle glaçant entre les négociations russo-américaines actuelles et les sombres arrangements géopolitiques du XXe siècle.

Retour à Yalta ?

Pour comprendre la logique de Poutine, il faut remonter à la conférence de Yalta en 1945. À l’époque, Staline, Roosevelt et Churchill avaient acté la domination soviétique sur l’Europe de l’Est. Cette conférence reste une référence pour le maître du Kremlin, qui y voit la seule légitimité historique des frontières européennes. Lors du 80e anniversaire de ces accords, ses proches – de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov au philosophe ultra-nationaliste Alexandre Douguine – ont martelé ce message : la Russie a le droit de récupérer ses anciennes possessions. L’Ukraine, pour eux, n’est qu’une première étape.

Trump, l’allié rêvé ?

La rencontre récente entre Lavrov et Marco Rubio, secrétaire d’État américain sous Trump, a renforcé cette impression d’un partage du monde en coulisses. Loin de s’y opposer, l’ancien président américain semble même préparer le terrain en exigeant de l’Ukraine qu’elle s’incline et exprime sa gratitude envers Washington. Dans ce jeu, Volodymyr Zelensky apparaît isolé, confronté à une Amérique qui pourrait bien sceller son sort sans même lui laisser voix au chapitre.

Un Munich bis ?

L’Histoire regorge d’accords censés garantir la paix, mais qui n’ont fait qu’accélérer les conflits. Gessen rappelle les accords de Munich de 1938, où Neville Chamberlain avait cru calmer Hitler en lui laissant annexer une partie de la Tchécoslovaquie. Résultat : un an plus tard, l’Allemagne envahissait la Pologne et plongeait le monde dans la guerre. Poutine ne cache pas son ambition : il veut reconfigurer l’Europe. Si les États-Unis lui ouvrent la porte, jusqu’où ira-t-il ?

La chute du “monde libre”

Les exilés russes, qui ont fui la répression de leur pays, voient dans l’évolution actuelle un sinistre écho aux années 30. Le trumpisme séduit les ultra-riches et affaiblit les principes démocratiques, tandis que les alliances vacillent. Pour les opposants à Poutine, le cauchemar est total : la Russie est devenue une dictature, l’Europe tremble et l’Amérique de Trump semble prête à pactiser avec le Kremlin. Où fuir, alors ?

M. Gessen nous laisse avec cette crainte : et si le monde que nous connaissions était déjà en train de disparaître ?

Jean-Marc Grosdemouge