Willy DeVille, l’outsider magnifique
Né William Paul Borsey Jr en 1950, comme Stevie Wonder et la guerre de Corée, Willy DeVille c’était une silhouette élégante, un regard brûlant et une voix rocailleuse, trempée dans la nuit et les excès. Un artiste inclassable, baladé entre rock, blues, soul et influences latines, qui n’a jamais eu le succès qu’il méritait, mais dont l’aura demeure intacte. Retour sur six albums essentiels de cet esthète de la marge.

Mink DeVille “Cabretta” (1977)
Un premier album fulgurant, enregistré sous le nom de Mink DeVille. “Spanish Stroll” s’impose d’emblée comme un hymne nocturne, entre doo-wop urbain et effluves latines. DeVille y fusionne blues et romantisme façon “West Side Story” avec une authenticité rare. Un classique du rock new-yorkais de la fin des seventies.

Mink DeVille “Le Chat Bleu” (1980)
Sans doute son chef-d’œuvre. Délaissant le punk pour une approche plus orchestrale et européenne, cet album, enregistré à Paris, distille un lyrisme poignant. “This Must Be the Night” et “Just to Walk That Little Girl Home” révèlent une facette plus douce et cinématographique de DeVille, tandis que “Mazurka” rend hommage à ses racines espagnoles. Une merveille injustement méconnue.

“Miracle” (1987)
Produit par Mark Knopfler (Dire Straits) excusez du peu, cet album marque le passage de DeVille en solo. “Storybook Love“, qui servira de bande-son au film “The Princess Bride“, offre une poignante ballade qui lui vaudra une nomination aux Oscars. “Assassin of Love” et “Heart and Soul” révèlent un songwriting mature, où le blues rencontre une pop raffinée.

“Victory Mixture” (1990)
Un hommage vibrant à la musique de la Nouvelle-Orléans (LA) alias Big Easy. En collaborant avec des légendes locales de la Cité Croissant, Willy DeVille plonge dans les racines du rhythm and blues, reprenant des classiques avec une ferveur contagieuse. “Junker’s Blues” et “Hello My Lover” transpirent la moiteur des clubs du Vieux Carré.

“Backstreets of Desire” (1992)
L’album de la renaissance, enregistré à Los Angeles avec un casting de rêve. Il revisite “Hey Joe” en mode mariachi avec un panache démentiel et livre des morceaux comme “Jump City” et “Bamboo Road“, qui marient guitares slide, cuivres latins et sensualité brute. Un disque essentiel pour saisir la richesse de son univers musical.

“Loup Garou” (1995)
Un retour aux sources, entre blues vaudou et ballades hantées. “Still (I Love You Still)” et “No Such Pain as Love” capturent cette mélancolie qui n’appartenait qu’à lui, tandis que “Runnin’ Through the Jungle” flirte avec le bayou. Un testament avant l’heure, où chaque note suinte l’errance et la grandeur abimée.
Inclassable et maudit, Willy DeVille reste une figure culte, admirée par des légendes comme Bob Dylan ou Jack Nitzsche. Il a fait le pont entre le rock new-yorkais des années 70, la tradition blues et la passion latine, sans jamais se soumettre aux modes. Son empreinte, discrète mais indélébile, résonne chez des artistes de Tom Waits à Nick Cave.
