Mc Solaar “Qui sème le vent récolte le tempo”

Mc Solaar “Qui sème le vent récolte le tempo”
Alors que le rap français n’en est qu’à ses balbutiements, un jeune homme du nom de Claude M’Barali, mieux connu sous le pseudonyme de MC Solaar, s’apprête à bouleverser la scène musicale hexagonale. Son premier album n’est pas seulement un titre à ralonge mais une promesse : celle d’une révolution sonore où les mots, tels des graines, sont semés avec une précision poétique pour récolter des rythmes envoûtants.

Dès les premières notes, l’auditeur est happé par “Bouge de là”, un morceau qui deviendra emblématique dans le répertoire du natif de Villeneuve Saint Georges. Construit sur un sample de “The Message” du groupe britannique Cymande, ce titre est une invitation irrésistible à se laisser porter par le flow nonchalant de Solaar. Le succès est immédiat, propulsant le jeune rappeur sur le devant de la scène et marquant le début d’une carrière fulgurante.

Mais réduire cet album à ce seul hit serait une erreur. Chaque piste est une exploration poétique, une plongée dans l’univers singulier de Solaar. “Caroline“, par exemple, est une ballade mélancolique où le MC narre une histoire d’amour déçue avec une finesse rare dans le rap de l’époque. Les mots dansent, les rimes s’entrelacent, et l’auditeur est transporté dans un Paris nocturne, entre ombres et lumières.

La production de l’album, assurée par Jimmy Jay, est un savant mélange de jazz, de funk et de hip-hop, créant une atmosphère à la fois sophistiquée et accessible. Les samples sont choisis avec soin, comme sur le titre éponyme “Qui sème le vent récolte le tempo”, qui emprunte à “One Cylinder” de Lou Donaldson, ajoutant une touche jazzy à l’ensemble.

Au-delà des sonorités, c’est la plume de Solaar qui fascine. Ses textes, empreints de jeux de mots, de métaphores et d’allusions littéraires, témoignent d’une maturité étonnante pour un premier album. Il aborde des thèmes variés, de la critique sociale avec “Victime de la mode” à l’introspection dans “Matière grasse contre matière grise“, offrant une palette riche et nuancée de son univers.

L’impact de “Qui sème le vent récolte le tempo” dépasse les frontières françaises. L’album s’écoule à plus de 400 000 exemplaires en France et permet à Solaar de se produire à l’international, notamment en Afrique de l’Ouest, où son style unique séduit un large public. Il devient ainsi l’ambassadeur d’un rap français élégant et réfléchi, loin des clichés souvent associés au genre.

C’est une pierre angulaire du rap francophone, une œuvre qui a ouvert la voie à une nouvelle génération d’artistes. MC Solaar y a semé les graines d’une révolution musicale dont les échos résonnent encore aujourd’hui. Et comme le suggère le titre, il a récolté un tempo, une cadence, qui continue d’influencer et d’inspirer.

★★★★★

Mc Solaar “Qui sème le vent récolte le tempo” (Polydor), 1991

Intro / Qui sème le vent récolte le tempo / Matière grasse contre matière grise / Victime de la mode / L’histoire de l’art / Armand est mort / Bouge de là (Part 1) / Bouge de là (Part 2) / Caroline / La musique adoucit les mœurs / Quartier nord / La concubine de l’hémoglobine / Ragga Jam / Interlude / A temps partiel / La devise

Théo Delmas