Aqua Bassino “Beats n’ Bobs”

Le pseudo est italien, mais le genre né à Detroit, l’artiste est écossais et le label français : dès le départ, cet album annonce la couleur, les étiquettes vont valser. En 2002, avec “Beats n Bobs”, Jason Robertson livre un disque caméléon qui brouille les frontières entre deep house, nu jazz, downtempo et rythmes africains. C’est une invitation au voyage, mais pas celui que l’on planifie avec un guide : ici, on part à l’instinct, porté par des grooves suaves et des mélodies raffinées.
Dès les premières notes de “Ola”, le sax soprano de Martin Kershaw s’enroule autour d’un piano langoureux et d’une guitare acoustique lumineuse, comme une promesse d’été éternel. C’est l’introduction parfaite à cet univers où chaque titre est une escale différente, du swing sensuel de “Welcome Home” au shuffle deep house de “Baby C’Mon”, qui échantillonne malicieusement “Sweet Home Chicago”.
Robertson ne crée pas seul : il s’entoure d’artisans de génie. Il y a la chanteuse jazz Niki King, couronnée meilleure voix jazz de l’année aux Scottish Jazz Awards l’an passé, dont la voix velouté apporte du swing à “Time…”, et la diva malienne Nahawa Doumbia, qui apporte une profondeur africaine à “Spirits With Jiwe”. Chaque collaboration enrichit l’album d’une texture unique, sans jamais rompre son équilibre délicat.
Le label F Communications, maison de Laurent Garnier, a toujours eu un flair pour les projets audacieux, et “Beats n Bobs” ne fait pas exception. Ici, le dancefloor et le canapé ne sont pas des ennemis, mais les deux faces d’une même pièce. On passe sans effort des rythmes baléariques de Ola à l’élégance de “Milano Bossa”, guidé par un piano Rhodes caressant et une basse serpentine.
Mais au-delà des styles et des genres, ce qui frappe, c’est la chaleur qui se dégage de chaque morceau. Cet album n’a rien de froid ou de mécanique : c’est un disque organique, presque tactile, où chaque note semble vibrer d’une intention sincère. On imagine Robertson, dans son studio à Édimbourg, polissant chaque détail avec une patience d’orfèvre.
“Beats n Bobs” ni un truc pour puristes ni un album conçu pour impressionner. “Plus cool qu’un esquimau tenant une botte de concombres” (dixit Andy Puleston de la BBC), il est quand même beaucoup plus accueillant que ce la froide céramique bleue de la pochette semblait annoncer. Et à une époque où tout va trop vite, il nous rappelle l’importance de ralentir, de savourer.
★★★★★
Aqua Bassino “Beats n’ Bobs”, 1 CD (F Communications), 2002
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