“Le Maître de Ballantrae” : quand les morts reviennent pour se venger

Un duel qui s’étire jusqu’à l’absurde, une haine plus tenace que la mort, un frère qu’on croit disparu mais qui revient, encore et encore. “Le Maître de Ballantrae” c’est du Tarantino avant l’heire : un roman d’aventure en forme de piège narratif, un jeu de faux-semblants où l’on croit toucher au dénouement, avant que Stevenson ne relance la partie. Entre manipulations, trahisons et vengeance sans fin, ce thriller explore une vérité plus sombre : les morts ne restent jamais sous terre.
On croit qu’il est mort. On souffle, on passe à autre chose. Et puis, il revient. Plus sombre, plus froid, plus dangereux. Dans “Le Maître de Ballantrae“, Robert Louis Stevenson met en scène une rivalité qui refuse de mourir, une haine qui survit à tout, même à la disparition de son porteur. Un duel où le plus fort n’est pas forcément celui qu’on croit.
L’histoire a tout d’un classique : deux frères en Ecosse, au XVIIIe siècle, deux chemins opposés, un qui prend le parti des Jacobites, l’autre qui reste fidèle aux Hanovre. Le premier meurt au combat. Sauf qu’il ne meurt pas. Il revient, à chaque fois au pire moment, comme une malédiction. Il ne veut pas juste récupérer son rang, il veut voir son frère s’effondrer. Il veut hanter son existence jusqu’au dernier souffle. Ce roman est un piège. On croit toujours qu’on touche à la résolution, qu’un camp va l’emporter, mais Stevenson fait durer la guerre. Un vrai thriller avant l’heure. Chaque chapitre est une relance, une montée en tension, un pas de plus vers le chaos final.
Le Maître : survivant ou parasite ?
Il a tout pour lui. Il est charismatique, brillant, insaisissable. Le genre d’homme qui parle et qu’on écoute. Un aventurier qui traverse les océans, manipule tout le monde, réapparaît toujours quand on le croit enfin hors-jeu. Mais c’est aussi un prédateur. Un homme qui ne sait exister qu’en dominant, en humiliant, en poussant son propre frère à la folie. Il ne veut pas juste gagner. Il veut voir son adversaire à terre, broyé. Sauf que les gagnants ne sont pas ceux qui survivent le plus longtemps. À force de toujours vouloir le dernier mot, il se piège lui-même. Parce que dans ce duel, le vrai poison, c’est la haine. Et à ce jeu-là, on finit toujours par s’empoisonner soi-même.
Ce roman est une masterclass, parce que c’est du pur Stevenson, mais en plus sombre, plus tendu, plus vicieux. On n’est pas dans “L’Île au trésor“, avec de l’action et du romanesque. Ici, c’est la haine qui fait avancer l’histoire. Et Stevenson la pousse jusqu’au bout, sans échappatoire. Parce que c’est un page-turner avant l’heure. Une mécanique infernale où, à chaque fois qu’on pense en avoir fini, une nouvelle fissure apparaît. Et surtout, parce que ça dit quelque chose d’universel. On croit toujours qu’on peut enterrer le passé. Mais il y a toujours quelqu’un pour venir gratter la terre.
★★★★★
RL Stevenson “Le Maître de Ballantrae”, Folio